sabato 5 aprile 2014

La charrette


Il signor de La Harpe (*), alla fine del Direttorio, ebbe a ricordare un pranzo avvenuto solo otto anni prima. Il racconto che segue è molto celebre in Francia e un tempo – non so ora – trovava posto nelle antologie di letteratura in una versione leggermente diversa e più lunga, alla quale seguiva una nota sul testamento di La Harpe in cui il vecchio ateo si professava credente e cattolico e rinnegava tutto ciò che aveva scritto precedentemente contro la Chiesa e la religione. Questa notizia la do per completezza e scrupolo, precisando che il testamento era una coda presente solo nelle antologie in uso, nel cosiddetto buon tempo antico, nei licei cattolici.


*

«Il me semble, dit-il, que c’était hier, et c’était cependant au commencement de 1788. Nous étions à table chez un de nos confrères à l’Académie, grand seigneur et homme d’esprit. La compagnie était nombreuse et de tout état, gens de cour, gens de robe, gens de lettres, académiciens; on avait fait grand’chère comme de coutume. Au dessert, les vins de Malvoisie et de Constance ajoutaient à la gaieté de bonne compagnie cette sorte de liberté qui n’en gardait pas toujours le ton. On en était alors venu dans le monde au point où tout est permis pour faire rire. Chamfort nous avait lu ses contes impies et libertins, et les grandes dames avaient écouté sans avoir même recours à l’éventail.



De là un déluge de plaisanteries sur la religion; l’un citait une tirade de la Pucelle; l’autre rapportait certains vers philosophiques de Diderot .... Et d’applaudir .... La conversation devient plus sérieuse; on se répand en admiration sur la révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’était là le premier titre de sa gloire. «Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans l’antichambre comme dans le salon». Un des convives nous raconta, en pouffant de rire, qu’un coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant: «Voyez-vous, monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de religion qu’un autre». – On conclut que la révolution ne tardera pas à se consommer, qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie, en l’on en est à calculer la probabilitè de l’époque et quels seront ceux de la société qui verront le règne de la raison. – Les plus vieux se plaignaient de ne pouvoir s’en flatter; les jeunes se réjouissaient d’en avoir une espérance très vraisemblable, et l’on félicitaint surtout l’Académie d’avoir préparé le grand œvre été le chef lieu, le centre, le mobile de la liberté de penser.

Un seul des convives n’avait point pris de part à toute la joie de cette conversation: c’était Cazotte, homme aimable et original, mais malheureusement infatué des rêveries des illuminés. Il prend la parole et, du ton le plus sérieux: « Messieurs, dit-il, soyez satisfaits; vous verrez tous cette grande révolution que vous désirez tant. Vous savez que je suis un peu prophète, je vous le répète, vous la verrez ... Savez-vous ce qui arrivera de cette révolution, ce qui en arrivera pour vous tous tant que vous êtes ici? – Ah! voyons, dit Condorcet avec son air et son rire sournois et niais, un philosophe n’est pas fâché de rencontrer un prophète. — Vous, monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d’un cachot, vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera à porter toujours sur vous ». Grand étonnement d’abord, puis l’on rit de plus belle. Qu’est-ce que tout cela peut avoir de commun avec la philosophie et le règne de la raison? «C’est précisément ce que je vous dis: c’est au nom de la philosophie, de l’humanité, de la liberté, c’est sous le règne de la raison qu’il vous arrivera de finir ainsi; et ce sera bien le règne de la raison, car elle aura des temples, et même il n’y aura plus dans toute la France, en ce temps-là, que des temples de la raison. Vous, monsieur de Chamfort, vous vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n’en mourrez que quelques mois après. Vous, monsieur Vicq-d’Azyr, vous ne vous ouvrirez pas les veines vous-même, mais vous les ferez ouvrir six fois dans un jour, au milieu d’un accès de goutte, pour être plus sûr de votre fait, et vous mourrez dans la nuit. Vous, monsieur de Nicolaï, sur l’échafaud; vous, monsieur Bailly, sur l’échafaud; vous, monsieur de Malesherbes, sur l’échafaud; ... vous, monsieur Roucher, aussi sur l’échafaud. – Mais nous serons donc subjugués par les Turcs et les Tartares? – Point du tout; je vous l’ai dit, vous serez alors gouvernés par la seule philosophie et par la seule raison. Ceux qui vous traiteront ainsi seront tous des philosophes, auront à tout moment à la bouche les phrases que vous débitez depuis une heure, répéteront toutes vos maximes, citeront comme vous les vers de Diderot et de la Pucelle. – Et quand tout cela n’arrivera-t-il? – Six ans ne se passeront pas que tout ce que je vous dis ne soit accompli. – Voilà bien des miracles, dit La Harpe, et vous ne m’y mettez pour rien. – Vous y serez pour un miracle tout au moins aussi extraordinaire; vous serez alors chrétien. – Ah! reprit Chamfort, je suis rassuré; si nous ne devons mourir que quand La Harpe sera chrétien, nous sommes immortels. – Pour ça, dit alors la duchesse de Gramont, nous sommes bien heureuses, nous autres femmes, de n’être pour rien dans les révolutions. Il est reçu qu’on ne s’en prend pas à nous et notre sexe ... – Votre sexe, mesdames, ne vous en défendra pas cette fois ... Vous serez traitées tout comme les hommes, sans aucune différence quelconque ... Vous, madame la duchesse, vous serez conduite à l’échafaud, vous et beaucoup d’autres dames avec vous, dans la charrette et les mains liées derrière le dos. – Ah! j’espère que dans ce cas-là j’aurai du moins un carrosse drapé de drap noir. – Non, madame, de plus grandes dames que vous iront comme vous en charrette et les mains liées comme vous. – De plus grandes dames! Quoi! les princesses du sang? – De plus grandes dames encore ... – On commençait à trouver que la plaisanterie était forte. Madame de Gramont, pour dissiper le nuage, n’insista pas sur cette dernière réponse et se contenta de dire de son ton le plus léger: «Vous verrez qu’il ne me laissera seulement pas un confesseur». – Non, madame, vous n’en aurez pas, ni vous, ni personne; le dernier supplicié qui en aura un par grâce, sera .... Il s’arrêta un moment: «Eh bien, quel est donc l’heureux mortel qui aura cette prérogative? – C’est la seule qui lui restera, et ce sera le roi de France».



(*) Jean François La Harpe (o de Harpe o Delaharpe) naque a Parigi, 20 novembre 1739, nella parrocchia di Saint-Nicolas du Chardonnet, figlio di Jean François de La Harpe e Marie Louise Devienne. Fu direttore del Journal de politique et de littérature (1774-’78). Dopo il suicidio della prima moglie (1794), risposò (1797) con Catherine Louise Hatte di Longerue, ventitré anni, dalla quale chiese il divorzio dopo tre settimane. Morì a Parigi dopo una lunga malattia l'11 febbraio 1803.

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